Sevrage et diversification du nourrisson. Les points de repère.
Categories: Lettres | Published On: 24 mai 2022 |

On ne compte plus les demandes de parents parfois affolés au sujet de la diversification alimentaire de leurs petits. Les conseils sont souvent vagues, parfois contradictoires sur un sujet pourtant fondamental. L’impact de la diversification porte très loin dans la vie des enfants, car il détermine fortement l’évolution de leurs habitudes alimentaires, jusque dans la vie adulte. Logiquement, un enfant qui a déjà l’habitude de consommer 3 fruits frais tous les jours a bien plus de chances de poursuivre une vie adulte en bonne santé, que celui qui n’en consomme pas…
Par ailleurs, la période de la diversification est très attractive pour les industriels de l’agro-alimentaire. On peut vendre beaucoup de « petits plats équilibrés », « complets », « compotes », « aux céréales », « gastronomiques », « riche en ceci ou cela », « source de blablabla »…
Beaucoup de pédiatres (pas tous, heureusement !) et de parents tombent dans ces pièges très astucieusement élaborés, et ne se rendent pas compte qu’ils habituent parfois les enfants à une alimentation largement délétère dès les premiers mois de leur vie.

Quand peut-on commencer ? 4 mois ? 6 mois ? Question de poids…

C’est la première question que les parents posent, et les réponses sont souvent très différentes selon les interlocuteurs. Certains recommandent de commencer dès le 4° mois, d’autres le 5°, parfois même le 6°… Si l’apparition des dents est un bon critère – quand elles ne sont pas là dès la naissance comme le dit la légende pour Louis XIV et Napoléon – il ne faut pas attendre à tout prix qu’elles soient là. A l’inverse, la première dent ne signifie pas du tout qu’il faille arrêter l’allaitement maternel, car elle n’empêche ni l’allaitement maternel, ni de devenir Roi ou Empereur.
La réalité est plus individuelle, comme toujours. Il faut commencer par considérer le niveau de maturation de l’enfant : son poids, sa tenue assis autonome, sa capacité de déglutition et son réflexe de régurgitation, normalement plus important que chez l’adulte. Il joue déjà le rôle de protection contre les fausses routes.

L’allaitement maternel exclusif jusqu’à 6 mois reste l’idéal pour la santé du nourrisson.

L’idéal selon l’OMS est de maintenir un allaitement exclusif pendant 6 mois, et un allaitement progressivement espacé jusqu’à l’âge de 24 mois. Cela correspond bien aux constats de la littérature scientifique : sevrer trop tôt augmente le risque d’allergies et intolérances alimentaires. La notion de « trop tard » est relative au poids de l’enfant.
On évitera donc d’écouter les conseils parfois pressants de commencer la diversification à 4 mois. On parle beaucoup de « fenêtre d’opportunité » entre 4 et 6 mois. L’idée est de l’habituer plus tôt à des allergènes en espérant que son système immunitaire le tolèrera plus facilement
Une fois le 5° mois révolu, si l’enfant a un peu d’avance au niveau de la croissance (au-dessus de la courbe médiane de poids et croissance), et s’il s’intéresse aux contenus de vos assiettes (gardez le près de vous sur une chaise haute !), alors c’est le moment de faire des essais.

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Quelques notions sur les besoins d’un enfant en âge de diversification

Les besoins d’un bébé dépendent de son poids, et de la capacité d’assimilation de son système digestif qui est en pleine maturation. Le discours « plus j’en apporte plus il assimile » ne colle donc pas à la réalité de la physiologie digestive des nourrissons (pas plus que pour celle des adultes !).
Forcer sur les apports alimentaires peut être contreproductif : troubles du transit, déséquilibre du microbiote intestinal, malabsorptions, ralentissement de la croissance, mauvais sommeil…
Les apports en protéines sont déterminants pour la croissance et le métabolisme, et peuvent se calculer avec des règles simples. Vers 6 mois, le besoin est de 1g de protéines par jour et par kilo de poids corporel. Donc un bébé de 7 kg à 6 mois (en moyenne) a besoin de 7g de protéines, à répartir sur les différents apports de la journée.
Concrètement, 700 ml de lait maternel (la quantité quotidienne moyenne sécrétée par la maman se situe autour de 800 ml, voire plus selon le nombre de tétées) suffisent à garantir l’apport protéique d’un enfant de ce poids là… Cela veut dire que cet enfant correctement allaité par sa maman n’est pas du tout en danger de carence, et que les parents peuvent sereinement prendre le temps de le diversifier sans céder aux discours anxiogènes que l’on peut entendre sur le sujet.
La composition du lait maternel est adaptée aux besoins d’un bébé.
Pour 100 ml on y trouve 1 g de protéines, donc la composition est parfaitement adaptée au système digestif encore immature du bébé. On y trouve également 7,5g de glucides (lactose essentiellement, que bébé est équipé pour digérer sans soucis) et 3,5 g de lipides dont les oméga 3 et 6 indispensables pour le cerveau, des minéraux et oligoéléments, des vitamines, des anticorps pour les défenses immunitaires du bébé, des hormones, des facteurs de croissance, des probiotiques pour son microbiote… Sans oublier que le lait produit par la maman change beaucoup selon l’âge, le poids, le moment et la fréquence des tétées.
L’alimentation devra avant tout respecter l’immaturité du système digestif de l’enfant, et surtout contribuer à sa maturation en évitant les aliments inappropriés, notamment dans le domaine des protéines. On ne se pressera donc surtout pas vers les produits laitiers animaux, le poisson ou la viande pour commencer.
Le meilleur moment, c’est bien évidemment avant la tétée, et de préférence avec le papa dont la poitrine ne représente pas d’intérêt culinaire pour le bébé…

 

https://www.youtube.com/watch?v=syf01sDBYCE&list=PLY6kQRv-QkGJL9RG3C51_AKA_MjGvCkWu&index=20&pp=gAQBiAQB

Par quoi commencer ? Les purées de fruits frais, puis légumes

Le plus simple est de commencer par des purées de fruits bio, peu cuits à la vapeur, et mixés, sans assaisonnement (ni beurre ni matière grasse, et surtout pas de sucre !).
Leur saveur naturellement sucrée facilitera la chose. Gardez une texture très fine pour commencer, car bébé ne sait pas encore utiliser sa langue de la bonne façon.
Purée de pomme, purée de poire, purée de pêche… Au tout début on préfèrera éplucher les fruits, puis rapidement on pourra garder la peau si elle n’est pas trop épaisse. Il faut aussi lui donner le goût de crudités sans trop attendre, d’autant qu’il a déjà perçu le goût de celles que mangeait sa maman in utero. A l’occasion on peut très vite partager son propre dessert, une fine tranche de pomme, de pêche sans la peau, la pulpe de l’abricot, une petite tranche de banane ou un peu de banane écrasée avec quelques gouttes de citron.
On peut rapidement proposer des purées de légumes à la saveur douce, cuits à la vapeur douce. De même l’enfant peut commencer à consommer dès qu’il a des dents en haut et en bas : des carottes, brocoli, courgettes… légèrement croquants, toujours bio, afin de garder la peau et les nutriments qu’elle contient.

La cuisson ne doit pas être trop longue

Elle accentue l’amertume des légumes. Un vert bien vif, que vous garderez en mixant, et améliorerez encore avec l’ajout d’une huile de qualité (donc bio, vierge, de première pression à froid, en bouteille en verre).
En premier lieu, l’huile de colza bio est recommandée pour son contenu en oméga 3, 6, 9 bien équilibré, et sa richesse en vitamine E. En effet, ces graisses végétales de qualité sont déjà essentielles pour la santé à cet âge. Elles contribuent au développement du système nerveux de l’enfant (cerveau, moelle épinière, nerfs…) qui est en train d’apprendre d’autant plus qu’il est beaucoup stimulé par les jeux les plus simples (communication avec les parents, jeux d’empilement que bébé se régalera de faire tomber en riant aux éclats…).
Une fois que ces légumes sont introduits en quantité correcte (à partir de 2 cuillerées à soupe, ça commence à ressembler à une vraie belle portion), et de façon régulière (compter 1 semaine environ), vous pourrez commencer à introduire dans la purée de légumes une source de protéines :
–       1 jaune d’œuf (environ 2 à 3 g de protéines), que vous pourrez mixer au « bain marie » ou avec les légumes à peine sortis de la cuisson vapeur. On attendra l’âge de 1 an pour y ajouter le blanc d’œuf.
–       10g de poisson blanc ou de volaille cuits à la vapeur (environ 2g de protéines).
Progressivement, vous pourrez passer de 10g à 20g, mais ne vous pressez pas tant que bébé est allaité. Il faut toujours garder ce point de repère de 1g de protéines par kilo et par jour.
Afin de bien distinguer les réactions de bébé aux nouveaux aliments protéiques, il est bon d’attendre quelques jours avant d’en intégrer une nouvelle portion.
Quatre jours d’observation permettront de s’assurer qu’il n’y a pas eu de réaction ni digestive, ni immunitaire. Ce sera utile notamment avec l’œuf et les fromages, et plus tard avec les légumineuses.

Quelle quantité ? Se baser sur l’apport en protéines

Pour évaluer la quantité nécessaire, il faut se baser d’abord sur l’apport de protéines. Si bébé prend environ 100 à 120 ml (souvent plus) de lait maternel à chaque tétée, vous pouvez compter 1 g à 1,2 g de protéines à chaque fois.
Pour se faciliter le calcul, on peut considérer que pour 5 tétées, il reçoit 6g de protéines. Selon son poids il faudra donc compléter, et augmenter l’apport au fur et à mesure que les repas prennent le pas sur l’allaitement.
L’important est de ne pas trop en mettre à la fois, et d’en apporter à tous les repas.
Côté féculent rien ne presse, les légumes doivent devenir habituels, c’est la priorité. On pourra commencer à ajouter un peu de riz mixé avec les légumes de temps en temps, mais les fruits et légumes apporteront déjà une bonne quantité de glucides.

Se méfier des discours marketing

« Céréales pour bien démarrer la journée », très courant chez les vendeurs d’aliments infantiles. Ils proposent des poudres à reconstituer avec de l’eau pour le biberon dont les analyses nutritionnelles montrent clairement qu’il s’agit de junk-food. Le marketing est fait pour habituer les nourrissons à ces aliments ultra-transformés le plus tôt possible !

Un exemple de menu pour un bébé de 10 kg à 1 an

Le matin :
– Tétée = 1g de protéines
– Petit déjeuner ½ yaourt de lait chèvre (3g de protéines) + purée pomme-poire maison (équivalent à 1 à 2 fois la quantité de yaourt).
– Collation si besoin purée de fruits maison 4 cuillerées à soupe
Le midi :
– On peut lui proposer de très fines tranches de légumes crus (carottes, concombres) à grignoter en attendant.
– Purée carotte courgette + Huile de colza + 10g de poisson blanc ou poulet (2g de protéines) + purée de fruits maison
– Tétée = 1g de protéines
Le goûter :
– Reste de yaourt de lait de chèvre (3g de protéines) + fruits frais en fines tranches (ou écrasés… mais crus, pour bien l’habituer à mastiquer avant d’avaler).
Le repas du soir :
–  Soupe de légumes (courge avec huile d’olive, ou courgette-basilic-avec 1 cuillerée à soupe de fromage de chèvre, huile d’olive).
–  Purée de fruits
–  Tétée 1g de protéines.

Au besoin une tétée la nuit reste possible, ce qui signifie que l’apport de protéines est largement garanti avec ce type de configuration.

Et le biberon ?

Si bébé est allaité par sa maman (l’idéal est de garder 2 tétées par jour jusqu’à 24 mois selon l’OMS), rien ne justifie l’ajout de lait « de croissance » ou « de transition » via un biberon.
On nous dit de façon systématique que « le lait est le seul aliment à tous les âges de la vie » dans les manuels de diététique souvent sponsorisés par les industries agroalimentaires… mais aucune preuve scientifique n’est jamais avancée pour justifier cette affirmation péremptoire qui est tout sauf gratuite. Il faut considérer cette phrase comme une publicité, ni plus ni moins.
La caséine, principale protéine du lait de vache, est totalement inadaptée pour l’estomac d’un humain, et moins encore pour celui d’un nourrisson. C’est pour cette raison que les laits infantiles doivent être transformés, afin de les rendre plus digestes et si possible moins allergéniques… Ce qui ne semble guère fonctionner !
En effet, les allergies Aux Protéines du Lait de Vache (APLV) concernent près de 4% des nourrissons avant 6 ans et sont la cause des 59% des anaphylaxies (allergies très puissantes) avant 1 an.
Les compléments de lait 1er âge donnés en maternité dans l’attente de l’allaitement maternel favorisent l’APLV, ils sont donc à proscrire. Les laits de vache à Hydrolyse partielle (HA) ou extensive (HE) n’ont aucun effet pour éviter l’APLV. Il faut bien préciser d’une part que le lait de vache n’est absolument pas indispensable, et que d’autre part une faible dose (de l’ordre de 10 ml) est généralement bien tolérée.
Parfois, certains pédiatres, inquiets face à un enfant en retard de croissance, insistent lourdement pour qu’on leur donne toujours plus de lait ou de produits laitiers, à tel point que l’apport de protéines peut parfois atteindre 8 à 9 fois les besoins réels de l’enfant. Les conséquences sont claires : maux de ventre, constipation, troubles du sommeil, stress parental… On a vu mieux comme façons d’améliorer la santé de enfants…
La solution la plus avisée est d’augmenter légèrement les apports de protéines, en aménageant la consommation de féculents de façon à lui ouvrir un peu l’appétit… Idéalement, la consultation avec un nutritionniste compétent en la matière est préférable.

Conclusion

La diversification impressionne souvent les parents, surtout si c’est un premier enfant. Le plus difficile est de prendre du recul et discerner les discours sérieux de ceux qui viennent directement de l’industrie. L’occasion de se réapproprier sa santé et son alimentation est trop belle pour ne pas sauter dessus et redécouvrir tout ce que la nature peut nous donner sans qu’on trafique abusivement ce qu’elle produit.
On peut aussi faire confiance à bébé, et l’impliquer plus directement dans la diversification. Le garder sur une chaise haute pendant que les adultes mangent, lui donner une cuiller, ou des aliments à texture suffisamment molle pour qu’il fasse ses essais sans risque une fausse route.
C’est un des postulats d’une méthode très intéressante appelée « diversification menée par l’enfant », basée sur l’observation des parents qui profitent de la curiosité de l’enfant. Cette méthode est très efficace, et a même été évaluée dans plusieurs articles de qualité. En premier lieu, il faudra penser à aborder les choses avec simplicité, et éviter de générer un climat anxiogène qui n’aidera pas l’enfant à prendre de bons réflexes. Toute la famille s’en trouvera mieux, et bébé commencera sa vie gastronomique sous les meilleurs auspices.

Bon appétit bébé
Jean JOYEUX

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Luc Montagnier a découvert en 1983 le virus du sida (VIH, Virus de l’Immunodéficience Humaine). Il a très vite compris qu’un vaccin contre ce retrovirus à ARN, serait très difficile à mettre au point du fait de ses mutations permanentes. Quarante plus tard le vaccin n’existe toujours pas.