Categories: Livres | Published On: 13 avril 2023 |

Centenaire et en pleine forme

Henri Joyeux (Auteur)
Jean Joyeux (Auteur)
Christine Bouguet-Joyeux (Illustrations)
Edgar Morin (Préface)

Préface d’Edgar Morin

Le professeur Henri Joyeux a écrit un livre de conseils et d’indications très utiles pour vivre sainement et en pleine forme le plus longtemps possible. Et, comme je suis centenaire, il m’a demandé une préface.
En fait, je ne sais pas vraiment pourquoi je suis devenu centenaire. Je peux faire deux hypothèses et avancer une certitude.
Certes, surtout dans mes dix dernières années, j’ai privilégié (avec quelques excès nécessaires) une alimentation saine, si possible d’origine bio ; j’ai pratiqué le régime méditerranéen de mon enfance, à base d’huile d’olive ; j’ai évité les nourritures industrielles ou produites par l’agriculture industrialisée ; j’ai limité ma consommation d’alcool à un bon verre de vin rouge, de préférence médoc, sans oublier la dégustation annuelle du bon beaujolais Chermette en novembre.
Mais je n’ai pas pratiqué de sport, si ce n’est une intense activité cycliste jusqu’à 25 ans et mon goût pour la marche.
Ma première hypothèse peut se résumer à la notion de résilience. Fœtus, j’ai résisté aux produits abortifs qu’avait pris ma mère, atteinte d’une maladie cardiaque et interdite d’enfanter. Je suis quand même mort-né, étouffé par le cordon ombilical, et il a fallu un temps interminable, m’a dit mon père, pour que les gifles du gynécologue, qui me tenait par les pieds, me fassent pousser mon premier cri.
À l’âge de 10 ans, fils unique, la mort de ma mère que j’adorais et qui m’adorait m’a foudroyé ; j’ai subi l’année qui suivit une très forte fièvre et une maladie mystérieuse que, faute de mieux, les médecins nommèrent fièvre aphteuse.
Pour fuir mon chagrin, je me suis réfugié dans la littérature, le cinéma, les concerts, les expositions et, voulant fuir ma réalité, j’ai découvert à travers ces expériences bouleversantes, la réalité du monde.
J’en arrive à ma seconde hypothèse. Je n’ai pas cessé d’être mû, jusqu’à mon âge avancé, par les innombrables et insatiables curiosités de l’enfance ; j’ai gardé les aspirations de mon adolescence tout en perdant ses illusions ; j’ai acquis dès 22 ans, en étant responsable dans un mouvement de Résistance, le sens des responsabilités de l’adulte et, au cours du temps, jusqu’à maintenant, je n’ai pas eu d’autre ambition que de me consacrer à mon œuvre de réforme de la connaissance et de la pensée, et de vouloir la propager.
En même temps que la curiosité et la passion pour mon travail, c’est l’amour et l’amitié qui m’ont fait vivre. C’est la recherche de la qualité poétique de la vie ainsi que la révolte contre ses cruautés qui m’ont entretenu tel que je suis.
Enfin, je dois dire que je n’ai pu atteindre mes 101 ans actuels que parce que, depuis 2009, la vigilance de ma compagne et épouse Sabah m’a sauvé à quatre reprises d’une mort quasi certaine, à la suite d’hémorragies et de septicémies.
En fait, ma « résilience » n’aurait pas suffi. Il a toujours fallu autrui, depuis le gynécologue jusqu’à Sabah, en passant par tant d’aimées et aimés, pour que j’arrive à l’âge de préfacer ce livre.
1 Rita Levi-Montalcini disait : « Donne de la vie à tes jours plutôt que des jours à ta vie. » J’ai essayé de donner de la vie à mes jours, ce qui ne m’a pas empêché de donner des jours à ma vie.

***

À 100 ans‚ Edgar Morin a publié Reveillons-nous ! et Leçons d’un siècle de vie. Il nous montre le sens de notre vie, minuscule chaînon dans l’histoire humaine, unique et singulier.

1.Elle vécut jusqu’à 103 ans, prix Nobel de médecine en 1986 pour sa découverte des facteurs de croissance des cellules nerveuses.

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